À travers un texte en langue française qui fait référence à des personnes quel qu’en soit leur genre (femmes, hommes, personnes ne se sentant pas appartenir à l’une de ces catégories), l’écriture inclusive permet de rendre visible cette diversité genrée en contournant des emplois traditionnellement masculins de mots, expressions, règles grammaticales… Comment l’appliquer ?
- Féminiser les noms de métier (ex : Madame la Présidente, la professeure).
- Utiliser des expressions neutres pour parler d’un ensemble de personnes (ex : « droits humains » au lieu de « droits de l’homme »).
- Pour s’adresser à un groupe, faire apparaître le féminin et le masculin dans le même mot grâce à un signe de ponctuation, le point médian (ex : la·e candidat·e).
- Modifier la règle de grammaire « le masculin l’emporte sur le féminin » – ou du moins sa formulation –, jugée sexiste par certain·e·s, le féminin apparaissant comme secondaire.
Certaines de ces propositions, par leur caractère inhabituel, peuvent surprendre, interroger voir être critiquées pour leur difficulté d’écriture et de lecture. « Toute nouveauté prend du temps avant de s’automatiser »1, mais atteindra‑t-on les objectifs visés ? Seule la pratique nous le confirmera…
En France, cette forme d’écriture est refusée dans les textes officiels. Au Québec, l’utilisation des titres féminins est largement intégrée et, en Belgique, la Fédération Wallonie‑Bruxelles, compétente pour les questions relatives à la langue française, conseille l’utilisation de l’écriture inclusive mais de manière parcimonieuse et sous certaines conditions2.
Pour en savoir plus et connaître les choix opérés par l’IRET, veuillez lire l’article « Nouveaux outils d’écriture pour plus d’égalité de genre ».
Nouveaux outils d’écriture pour plus d’égalité de genre
La langue française, usant de formes masculines pouvant exclure l’idée de présence féminine, l’IRET s’est essayé à l’écriture inclusive pour assurer une communication représentant équitablement les différents genres. La forme neutre n’existant pas en français, et pour ne pas exclure les personnes se sentant de genre neutre, nous mentionnons clairement dans nos documents que « l’usage de termes se rapportant à une personne (fonction, titre…) vise de manière non discriminatoire le genre F/H/X ».
Établir un lexique de noms féminins pour des fonctions, métiers, titres… est relativement simple et nécessaire dans une société où les rôles – y compris ceux longtemps réservés aux hommes – se veulent accessibles à toute personne. En revanche, vouloir signifier qu’un groupe d’individus ne se constitue pas uniquement d’hommes, en féminisant ou neutralisant la forme masculine plurielle ou en adaptant un accord grammatical sans que « le masculin ne l’emporte », sont des démarches beaucoup moins aisées.
Un des outils pour y parvenir est l’utilisation controversée du point médian (point milieu ou doublet abrégé). Cette abréviation permet de représenter un groupe mixte ou une personne quel qu’en soit son genre en appliquant un point entre la forme féminine et masculine (ou bien l’inverse en fonction de l’ordre alphabétique des mots). Malgré son objectif bienveillant, elle rendrait la lecture peu claire et l’expression écrite ardue. Comme nous l’indique Anne Vivier, formatrice en rédaction, nous aurions besoin de recul pour pouvoir tester son efficacité3.
Si l’objectif est l’inclusion, il faut pouvoir trouver un juste milieu, en tenant compte de ses publics cibles et en permettant au plus grand nombre de comprendre le message. La langue n’est pas neutre puisqu’elle véhicule des idées mais, en tant qu’« outil universel », comment peut-elle s’adapter à un idéal d’égalité ? L’IRET voit en cette écriture une démarche expérimentale mais en accord avec son souhait de voir participer plus de femmes à ses procédures. Voici quelques propositions pour appliquer cette écriture à nos procédures :
Que faire ? | Exemple > contre-exemple |
Accorder les fonctions, grades, métiers et titres | autrice > auteur |
Éviter la majuscule de prestige et employer des mots évoquant toute personne quel qu’en soit son genre | droits humains > droits de l’Homme |
Utiliser le point médian : au pluriel pour désigner un groupe mixte au singulier pour ne pas exclure la forme féminine | citoyen·ne·s > citoyensemployé·e > employé |
Pour ne pas complexifier l’écrit, si le sens n’en exprime pas la nécessité, se servir de son jugement pour déterminer si le terme est : inclusif car fait implicitement référence à un groupe mixteexclusif si des femmes font partie du groupe car il n’est pas clair qu’elles soient aussi présentes | Les voyageurs doivent embarquer > Les voyageur·se·s…Les soudeurs et soudeuses (soudeur·se·s) sont au travail > Les soudeurs… |
Pour éviter de complexifier la syntaxe, privilégier le point médian dans une énumération plutôt que dans des phrases et tenter de le remplacer par : une forme en doublet completdes mots épicènes (qui ont la même forme aux deux genres)des noms collectifsune formulation neutre (active plutôt que passive, mentionnant l’objet plutôt que la personne…) | lecteurs et lectrices assidues > lecteur·rice·s assidu·e·s titulaires d’un abonnement > les abonné·e·s corps enseignant > enseignant·e·sNous vous informerons > Vous serez informé·e |
L’IRET a aussi adapté son formulaire d’inscription de manière à pouvoir non seulement s’inscrire soi‑même mais aussi inscrire une tierce personne à une procédure en cours. Autrement dit, il est désormais possible d’exprimer sa reconnaissance pour le travail d’autrui sans que cette personne ne soit l’initiatrice de la démarche. De cette façon, l’IRET souhaite éviter l’auto‑censure, vraisemblablement plus présente auprès des femmes.
Dans ce nouveau formulaire, la présence d’une tierce personne déposant le dossier d’un·e potentiel·e candidat·e complexifie l’écriture. En effet, quand « votre formulaire » représentait implicitement « le formulaire du candidat ou de la candidate se proposant au titre », il nous faut aujourd’hui exprimer clairement les termes se rapportant soit à la personne se proposant d’elle‑même, soit à la personne proposée par un tiers, soit à la personne déposant le dossier.
La Fédération Wallonie‑Bruxelles préconise dans son guide Inclure sans exclure4 de ne pas utiliser le point médian dans des documents administratifs. Bien entendu, le secrétariat de l’Institut a longuement réfléchi au problème de lisibilité et a recherché des solutions sans renoncer à son engagement. Les choix ont tout de même été difficiles car l’enjeu était aussi de ne pas alourdir la rédaction par la répétition de formes dédoublées. En ce sens, nous avons opté pour :
- Recourir au point médian plutôt qu’à la forme dédoublée pour éviter d’alourdir le texte (et ce, de manière systématique pour gagner en cohérence)
Exemple : la·e Lauréat·e (plutôt que : le Lauréat ou la Lauréate > le Lauréat > les Lauréats)
- Dédoubler néanmoins les formes difficiles à abréger
Exemple : du Lauréat et de la Lauréate (plutôt que : du·de la Lauréat·e)
- Simplifier le texte et certaines tournures pour la compréhension et la lisibilité
Exemple : Quelle(s) formation(s) la·e candidat·e a suivie(s) ? (plutôt que : Quelle(s) formation(s) la·e candidat·e a‑t‑elle·il suivie(s) ?)
Que pensez-vous de l’écriture inclusive ?
[1] VERVIER Anne, « L’écriture inclusive est-elle compatible avec un texte clair et convivial ? », cahier APrBr, 01/09/2018, p. 10.
[2] DISTER Anne et MOREAU Marie-Louise, Inclure sans exclure. Les bonnes pratiques de rédaction inclusive (Bruxelles, Direction de la Langue française – Service général des Lettres et du Livre – Fédération Wallonie-Bruxelles, 2020).
[3] VERVIER Anne, opere citato.
[4] DISTER Anne et MOREAU Marie-Louise, opere citato.